La culture de l'évaluation n'est pas la culture du résultat !
Lors de l’université d’été de la conférence des présidents d’université (CPU), la ministre Frédérique Vidal s’est exprimée sur l’évaluation des enseignants-chercheurs et sur la possibilité de créer une agence indépendante pour évaluer la pédagogie. Si le SNPTES partage la volonté de la ministre de valoriser l’engagement des enseignants-chercheurs dans la pédagogie et les activités liées à la formation, il est effaré par la voie que semble prendre le gouvernement. Ainsi, pour notre ministre, nombreux seraient les collègues enseignants-chercheurs qui « font le même cours depuis dix ans, ne s’occupent de rien dans leurs universités, et connaissent les meilleures progressions en s’enfermant dans leurs labos de recherche » ; et la ministre de proposer une nouvelle évaluation pour inverser cette situation. Cette évaluation, toujours selon la ministre, n’aurait pas vocation à « sanctionner, mais à observer les pratiques et à proposer des formations pour les améliorer ». Ces déclarations sont faites alors que les concertations pour la revalorisation des activités des enseignants-chercheurs liées à la formation se font attendre depuis le printemps. Le SNPTES souhaite donc rappeler à notre ministre quelques éléments du contexte actuel de notre système d’enseignement supérieur :
- Les évolutions de carrières de l’ensemble des personnels de l’enseignement supérieur et la recherche sont devenues ridicules. Chez les enseignants-chercheurs, la principale promotion est de passer du corps des maîtres de conférence (MCf) à celui des professeurs des universités (PU). Cette année, le nombre de postes de PU ouverts au concours était d’environ 650. Le nombre de MCf en poste sous tutelle du MESRI est de plus de 36 000 et le nombre de personnels qualifiés pour accéder au corps des PU est d’environ 1 600 par an. Une qualification étant valable 5 ans, on peut considérer qu’en 2018 il y avait environ 5000 enseignants chercheurs promouvables dans le corps des PU pour 650 places.
- À l’université, pour avoir les mêmes taux d’encadrement d’étudiants qu’en 2007, il aurait fallu recruter plus de 17000 postes d’enseignants et d’enseignants-chercheurs. Cette surcharge conséquente pour former nos étudiantes et étudiants a été endossée par les personnels sans aucune revalorisation et le SNPTES pense qu’il est bien difficile de trouver parmi les enseignants chercheurs « ceux qui ne s’occupent de rien dans leur université ».
- Avec la mise en place de la loi sur l’orientation et la réussite des étudiants (ORE), les personnels de l’enseignement supérieur ont eu à traiter 6,3 millions de vœux dont plus de 2 millions concernaient les licences dont les enseignants n’avaient pas à gérer l’évaluation jusqu’à cette année. Les universités auront aussi la responsabilité de proposer plus de 130 000 cursus aménagés pour les étudiants les plus éloignés des prérequis de la formation où ils ont été admis dès la rentrée 2018. Cet énième investissement des collègues pour compenser la mise en place inconséquente de la réforme ORE nécessite-t-il une agence d’évaluation indépendante pour être valorisé ?
Le SNPTES pourrait énumérer bien d’autres exemples montrant le professionnalisme et le dévouement des collègues enseignants-chercheurs dans les activités liées à la formation de nos étudiants. Le SNPTES pourrait également rappeler la perte de salaire des fonctionnaires de 10% depuis que le point d’indice est gelé. La partie enseignement de nos missions statutaires d’enseignant-chercheur est mal valorisée, mais tout autant que l’ensemble de nos carrières. Ce qui manque, ce n’est pas une énième évaluation de nos activités mais des moyens et un allégement des tâches administratives ! On devient enseignant chercheur par vocation en acceptant à BAC+8 de commencer avec un salaire net de 1800 euros. Ce que ces personnels attendent donc de leur ministère c’est de la confiance et la considération de leur implication au quotidien dans leur métier. Le SNPTES met en garde le gouvernement de ne pas se tromper de réponse et l’enjoint à donner à l’enseignement supérieur et à ses personnels le financement et la considération qui lui font défaut depuis des années !
/Jérôme GIORDANO, secrétaire technique national/
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